Tour d’horizon – Chili
Introductions
Focus sur le contexte économique
Focus sur l’innovation comme levier de croissance
Focus sur l’innovation et le développement durable
Focus sur les énergies renouvelables
Focus sur l’efficacité énergétique
Focus sur les villes et territoires
Focus sur l’innovation comme levier de croissance
La principale richesse du Chili est liée à l’exploitation de ses ressources minérales exceptionnelles. Malgré cette « rente » naturelle, le Chili a depuis longtemps la préoccupation de diversifier son économie. En effet, la dépendance à l’activité minière conduit à une vulnérabilité de l’économie du pays en cas de baisse des cours mondiaux des matières premières. Le Chili garde également en mémoire la fin de l’industrie du salpêtre (nitrate de potassium). Eldorado à la fin du XIXème siècle avec l’exploitation des plus grandes ressources mondiales, cette activité a disparu au XXème siècle avec le développement des engrais chimiques.
La stratégie du Chili vise donc à diversifier son économie, en exploitant au mieux ses facteurs de compétitivité naturels. Plusieurs « happy stories » sont régulièrement citées, comme par exemple le développement de l’industrie piscicole dans les années 80. Le Chili est aujourd’hui le 2ème producteur mondial de saumon, alors que cette espèce n’était pas présente à l’état natif au Chili. Dans le domaine agricole, le Chili s’est positionné comme « le jardin d’hiver de l’hémisphère nord » : profitant de son climat favorable et de saisons inversées avec l’hémisphère nord, le pays est devenu un exportateur important de fruit frais à destination des Etats-Unis et d’Europe. L’innovation est affichée aujourd’hui comme un nouveau levier de développement et de diversification pour le pays.
Les politiques publiques de soutien à l’innovation
CORFO (« Corporacion de Fomento de la Produccion ») est un acteur public important. Cet organisme est chargé de superviser les programmes de développement économique, de promouvoir l’investissement au Chili et la compétitivité des entreprises. Il est placé sous la tutelle du ministère de l’Economie et porte les participations de l’Etat dans différentes entreprises publiques.
A travers CORFO, le Chili développe des stratégies sectorielles pour développer sa productivité. Plusieurs programmes nationaux ont ainsi été élaborés : « mining cluster », « sustainable aquaculture & fishing », « healthy food »…) avec des roadmaps technologiques pour chaque secteur.
CORFO intervient notamment dans les domaines suivants : promotion de l’entrepreneuriat, financement de projets et de sociétés (garanties, financement en phase initiale, financement de capital risque), amélioration de la productivité des PME, mise en place de programmes d’excellence technologique afin d’améliorer les capacités des universités.
Le programme Start-Up Chile (SUC) a été mis en place en 2010 par CORFO. Son but est de développer une culture d’innovation et d’entreprenariat et d’attirer des start-ups au Chili. 1 300 startups ont été soutenues par ce programme (250 nouvelles start-up par an). Selon les informations publiées par SUC, ces start-ups ont levé au total 400 M$ et sont valorisées 1,3 Md$. Elles génèrent 5 000 emplois. 20 à 30 % des start-ups soutenues sont issues de l’étranger.
70 % des start-ups sont dans le B2B et 90% des initiatives sont les services dans le développement de softwares et leurs applications. Le Chili revendique le coût de développement le plus bas d’Amérique Latine. Les principaux secteurs d’application de ces start-ups sont les mines, la mer, le solaire et la biotech.
SUC met en relation les start-ups avec des investisseurs. Le club des investisseurs de SUC regroupe 90 fonds, dont 30 % au Chili, 30 % en Amérique latine et 30 % aux US. Les services proposés par SUC sont le financement en capital, la formation, la mise en relation avec des investisseurs ou des mentors, le visa et l’accompagnement pour les start-up qui s’installent au Chili. SUC cultive son network avec les autres organisations via des évènements présentant les projets, des hackathons et en résolvant concrètement des problèmes rencontrés dans les sociétés.
SUC a mis en place 3 programmes croissants de soutien :
- S-factory : programme de soutien initial sous condition d’une participation de femmes au management de la start-up (4 mois d’expérience – 15 k$)
- Seed : programme d’accélération pour des start-ups avec un produit fonctionnel et une validation préliminaire (6 mois d’expérience, 30 k$)
- Scale : soutien aux start-up pour leur développement international (1 an d’expérience – 90 k$).
Nous avons apprécié le dynamisme de Start-Up Chile. L’objectif du programme est principalement d’encourager les démarches d’entreprenariat. Les moyens de financement et le ciblage restent limités. Cela pose la question des moyens pour soutenir les étapes ultérieures de développement de projets innovants et la réalisation de démonstrateurs.
Créer une culture d’innovation à l’université
L’Université catholique du Chili (UC) compte 27 000 étudiants. En 2014, elle a été classée 1ère université en Amérique latine (QS university ranking), devant l’université de Sao Paulo (Brésil).En 2014, UC a inauguré un nouveau Centre d’innovation. Ce Centre se veut une vitrine de l’innovation au Chili : il a été inauguré par Michelle BACHELET, Présidente de la République. Le bâtiment a été réalisé par l’architecte Alejandro AREVENA (prix Pritzker). L’investissement (15 millions €) a été financé par une donation privée. Une centaine d’entreprises sont partenaires du projet.
L’objectif du Centre d’innovation est de positionner l’université comme un acteur central dans l’écosystème de l’innovation, avec un rôle d’interface avec les entreprises et les pouvoirs publics : « inspirer les différents acteurs » et « orchestrer l’innovation ».
Le Centre promeut l’interdisciplinarité et nécessite une évolution de l’université, qui était jusque lors organisée par métiers, avec une logique d’instituts techniques spécialisés autonomes. Parmi les partenaires du Centre d’innovation, nous avons noté la présence du Fraunhofer Institut, que nous avions rencontré en Allemagne. Cet institut s’est implanté au Chili pour participer au développement du solaire. Nous avons noté la mise en place d’une démarche de cluster pour permettre à des entreprises de taille modeste de partager leur effort de R&D, en l’occurrence dans la filière bois.
Toujours dans le domaine de la formation, plusieurs interlocuteurs nous ont indiqué que le Chili souffre d’un déficit de techniciens supérieurs (encadrement technique), ce qui est préjudiciable pour la productivité des entreprises.
L’innovation dans l’industrie minière : l’exemple de CODELCO
CODELCO est une entreprise d’Etat, qui emploie 20 000 personnes et 35 000 sous-traitants. Son chiffre d’affaires est compris entre 10 et 15 milliards $ par an (en fonction des cours du cuivre…). La devise de CODELCO est « Orgullo de todos » : Orgueil de tous.
La stratégie CODELCO est de valoriser son savoir-faire, avec l’objectif à long terme de diversifier les revenus de l’entreprise, sur le modèle d’autres majors minières (Australie, Afrique du sud) qui vendent des services. Les domaines de R&D couvrent IT, logistique, robotique, biotech, environnement, usages du cuivre… Le budget de R&D de CODELCO est actuellement de 75 millions € par an avec un portefeuille de 150 à 200 projets. L’innovation est affichée comme un axe de la politique de développement durable de l’entreprise.
Les entités business développement et innovation ont été fusionnées pour créer une filiale CODELCO TECH (150 personnes). Les brevets de CODELCO ont été transmis à cette filiale. CODELCO retient une démarche d’open innovation pour les compétences qu’ils n’ont pas.
Le top management pilote les programmes d’innovation avec un comité « Innovation & Technology Commitment », avec revue tous les 2 mois. Des indicateurs liés à l’innovation ont été intégrés aux Key Performance Indicators (KPI) de l’entreprise. Les responsables opérationnels ont également pour mission de porter dans leurs équipes la démarche d’innovation. L’enjeu est d’arriver à concilier les contraintes de l’exploitation avec « l’irruption » de projets innovants.
Une entreprise doit articuler en permanence deux logiques très différentes : « exploiter » et « explorer ». Pour Codelco, une perte d’une heure de production a un impact qui se chiffre en millions d’euros… Il serait propice d’investir en période creuse (cours cuivre bas) mais ces périodes sont marquées par des réductions budgétaires pour serrer les coûts. Il est nécessaire d’articuler les enjeux liés à l’innovation et ceux liés à la production d’où la nécessité d’un pilotage stratégique de l’innovation.