Tour d’horizon – Suède et Estonie
Introductions
Focus sur les modèles sociaux et sociétaux
Focus sur les politiques environnementales et la sensibilité du public et des entreprises
Focus sur le bois et les ressources forestières
Focus sur la mobilité
Focus sur la ville
Introduction
Deux approches nordiques complémentaires du développement durable et sociétale
Après un premier voyage en Allemagne fortement tourné vers la transition énergétique et l’innovation technologique, la Mission 2017 a souhaité approcher, au travers de son voyage en Suède et en Estonie, d’autres volets de l’innovation, d’autres approches du développement durable.
Ce voyage touchant la Scandinavie et les Pays Baltes, deux zones économiques et politiques profondément différentes malgré leur proximité géographique, a permis d’aborder des sujets liés aux modèles sociaux (modèle suédois, économie sociale et solidaire), aux ressources forestières (filière du bois, construction en bois), à la mobilité (véhicules électriques, politiques de transports urbains) et à la ville.
Tout sépare les sociétés suédoise et estonienne : leur histoire politique récente, leur engagement vis-à-vis des problématiques environnementales, leur démographie. De par la proximité géographique, la langue, la part de la filière bois dans son économie, c’est de la Finlande que l’Estonie se rapproche le plus. Mais les pays scandinaves eux-mêmes défendent peu de positions communes, notamment vis-à-vis de l’Union Européenne ; entre pays scandinaves et baltes, les convergences sont plus rares encore.
La Suède du « Lagom » : une capacité à intégrer enjeux sociétaux et environnementaux à la haute performance
La Suède est un pays industrialisé avec un niveau de vie très élevé. Le pays dispose d’excellentes infrastructures de transport et de communication et d’une main-d’œuvre hautement qualifiée. L’exploitation du bois, de l’hydroélectricité et de gisement de fer, ainsi qu’une importante industrie (construction automobile et de poids lourds, aéronautique, industrie papetière) sont les constituants de base de l’économie suédoise.
La Suède a alors adopté une série d’importantes réformes structurelles (réforme des retraites, libéralisation des services publics, gestion rigoureuse des finances publiques et entrée dans l’Union européenne en 1995) lui permettant de s’adapter à la mondialisation et d’afficher de bons résultats.
Compte tenu de son ouverture à l’international et de l’importance relative de la zone euro comme client, le pays reste dépendant de la conjoncture internationale et européenne et les soubresauts de l’économie mondiale ont durement touché les marchés financiers suédois. La résilience de l’économie suédoise reste toutefois étonnante.
Le principal défi pour la Suède (pointé par la Commission européenne) reste la surchauffe immobilière et le niveau trop élevé de l’endettement des ménages (170% de leur revenu disponible).
Les valeurs morales de la social-démocratie qu’Olof Palme a portées sur la scène internationale caractérisent toujours aujourd’hui la politique extérieure de la Suède : pacifisme, non alignement et tiers-mondisme, droits de l’homme, égalité hommes/femmes, universalisme. Très attachée au multilatéralisme, elle a été élue au Conseil de sécurité des Nations Unies pour le biennum 2017-2018.
La Suède porte un regard très pragmatique sur l’Union européenne, considérée comme un espace économique, bien plus qu’un grand projet politique intégrateur.
La Suède attend de l’Europe discipline budgétaire, approfondissement du marché intérieur, libéralisation du commerce hors UE et renforcement de la compétitivité par l’innovation. Restée hors de la zone euro (ce pays ne dispose pas de dérogation permanente mais ne remplit pas – délibérément- tous les critères), elle suit les initiatives de soutien à la croissance et à l’emploi.
D’une manière générale, en Suède, les visiteurs ont l’impression que tout fonctionne plutôt bien. Le terme suédois « lagom » signifie ni trop, ni trop peu mais juste ce qu’il faut. Un concept que le pays s’efforce d’incarner et qui rassure pour sa constance.
L’Estonie : de grandes ambitions construites sur le socle du numérique
L’Estonie se présente comme ayant entièrement reconstruit ses structures, son état, sa société et son économie au sortir du joug soviétique, en 1991. Un pays de 26 ans d’âge, qui à l’instar de pays émergents (dont elle se différencie fondamentalement là encore par son histoire), a « sauté » quelques étapes dans son développement récent.
L’Estonie frappe par son pragmatisme, par l’énergie et le niveau d’excellence de sa jeunesse éduquée selon les plus hauts standards. Du fait de sa position géographique, entre Baltique et Russie, et surtout du fait de sa petite taille (1,3 mln habitants), le pays et en particulier sa capitale Tallinn a recherché un « positionnement » lui permettant d’exister sur la scène internationale. Et l’a rapidement trouvé et mis en œuvre : l’Estonie se définit aujourd’hui par son initiale « e ». Une visite à l’e-estonia showroom permet de toucher du doigt l’ampleur de l’intégration des données autour du citoyen. L’e-gouvernance est un choix stratégique afin d’améliorer la compétitivité de l’État et d’accroître le bien-être de ses habitants, tout en mettant en place une gouvernance douce. Ce choix offre aujourd’hui aux citoyens une large palette de solutions numériques. 99% des services publics sont maintenant disponibles pour les citoyens en tant que e-services. L’efficacité de l’e-Government s’exprime en termes de temps que les citoyens et les fonctionnaires économisent, ce qui serait autrement consacré à la bureaucratie et à la gestion des documents.
Brève histoire de l’e-gouvernement en Estonie :
- 1997 : e-gouvernance
- 2000 : e-Tax – déclarations fiscales électroniques pour les entreprises
- 2001 : X-Road – moteur open-source permettant aux différentes bases de données électroniques du pays, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, de se lier et d’opérer en harmonie, 2001 : Identité numérique – carte nationale obligatoire avec une puce qui peut fonctionner comme une preuve définitive d’identité numérique dans un environnement électronique (smart-ID) donnant accès aux opérations bancaires ou commerciales, la signature de documents ou l’obtention d’une prescription médicale numérique
- 2005 : I-vote – premier pays à proposer un vote sur Internet lors d’élections nationales en 2005.
- 2007 : Applications de Sécurité publique – localisation des accidents, 93% des appels d’urgence répondu dans les 10 secondes. La police estonienne n’est plus autorisée à arrêter les voitures pour les contrôles techniques, car toutes les données pertinentes sont disponibles à l’aide de leur ordinateur de bord.
- 2008 : Blockchain – gestion du risque de cyberattaques dans les registres de l’Estonie, tels que la santé publique, Les systèmes judiciaires, législatifs, de sécurité et de code commercial, avec l’intention d’étendre son utilisation à d’autres domaines tels que la cybersécurité et les ambassades de données.
- 2008 : e-Santé sécurisée par blockchain, mesures préventives et de sensibilisation des patients permettant d’importantes économies (de plusieurs milliards d’euros).
- 2014 : e-Résidence – ce que les Estoniens considèrent comme le « cadeau de l’Estonie au monde ».
Et en projet : ambassade de données, transport intelligent / voitures autonomes, reporting 3.0 pour les entreprises, santé 4.0 pour tous, la transformation numérique de l’éducation, l’économie en temps réel (Real Time Economy) sans passer par un stockage de données, l’industrie 4.0 (Real Time Industry).
L’e-citoyenneté, l’e-gouvernement, forment la marque de l’Estonie, qui se montre efficace dans son « marketing de place ». Performance remarquable à la mesure de la petite taille, la grande jeunesse de l’état actuel et son relatif isolement étant donnée l’absence de réelle coopération inter-états à la frontière septentrionale de l’Union Européenne.
Les chapitres qui suivent mettront l’accent sur les principales thématiques identifiées au cours de ce voyage, et de nature à alimenter les travaux de la mission FNEP 2017.